Extrait : “Juillet 1816, dans l’océan Atlantique, en face de l’Afrique. Depuis 3 jours, un radeau dérive au large des côtes mauritaniennes. Sous le poids des hommes, le radeau est totalement immergé. Impossible de s’asseoir, l’eau monte jusqu’à la ceinture. Le radeau s’allège un peu quand on jette un cadavre à l’eau. Ils étaient 150 à son bord au départ, ils ne sont déjà plus qu’une soixantaine. Un enfer.

Et il y a la faim… A cette époque, on pense encore qu’on peut mourir de faim en quelques jours à peine. Alors aux grandes peurs les grands moyens. Ceux qui veulent s’en sortir vont devoir passer le cap : chez les marins, on appelle ça « la coutume de la mer » ou encore « la question délicate ». C’est plus élégant à dire que « cannibalisme » ou « anthropophagie ». 

Alors on garde quelques cadavres qu’on ne va pas jeter par-dessus bord.Il faut maintenant les découper. Savigny, le chirurgien, sait faire : il tranche soigneusement, et conseille qu’on fasse sécher la viande au soleil pour en rendre le goût supportable ! 

Certains n’ont pas la force d’attendre.Pas même la découpe. Ils se précipitent sur les corps et déchirent les chairs à grands coups de dents. Certains refusent. Pour tenir le coup, ils boivent plus de vin et mangent des bouts de tissu ou de cuir. 

De toute façon, ce sera bientôt la fin. On les a abandonnés. Dire qu’il y a à peine un mois, ils embarquaient tous pour le Sénégal, sur une frégate solide comme le roc. 

Son nom ? La Méduse..” (…)